mardi 2 octobre 2007

"making of" de la planche 20

2ème partie : de l’encrage au montage.

Hello,
suite du making of. On reprend où on en était resté.

Étape 4 : L’encrage.
L’encrage est l’étape excitante et redoutable où l’on peut sublimer le dessin crayonné ou tout flanquer par terre. De mon point de vue, le secret de l’encrage réside dans la totale décontraction avec laquelle il faut l’exécuter, fort de la certitude qu’il vaut mieux un encrage vigoureux et souple repris à coups de tip-ex, qu’un encrage trop appliqué, raide et laborieux.* Pour ce faire, bien sûr, il ne faut pas se contenter de « repasser » sur le trait de crayon, mais plutôt redessiner complètement chaque image en s’appuyant sur le guide que fournit le crayonné. C’est pourquoi je ne trouve pas souhaitable pour ma part de trop chiader le crayonné. Il faut que le guide soit précis mais pas sclérosant.
Les instruments ont leur importance dans l’affaire. Personnellement, je préfère, justement pour des raisons de décontraction, ne pas m’emmerder avec une table lumineuse et encrer directement sur le crayonné (dont je garde tout de même une copie numérique via le scan). De même, je me sens plus à l’aise et plus libre en utilisant un feutre-pinceau à recharge (Pentel, à corps gris) et des feutres (Faber-Castel 0.2, 0.4, 0.8) plutôt que la très orthodoxe combinaison pinceau/plume et encre. Je me sers parfois d’encre de chine, toutefois, pour couvrir de grands aplats de noir.


*en cas de vrai foirage, rien n’empêche non plus, cela m’est arrivé quelques fois, de découper soigneusement la case ratée et de la remplacer par une autre, mieux réussie. Le tout est de faire ça proprement (je suis un peu maniaque de la propreté de mes originaux, malgré les éventuels coups de tip-ex).

Étape 5 : La mise en couleurs.
Je réalise mes couleurs de manière dite « traditionnelle », c’est à dire avec peinture et pinceaux plutôt que sur photoshop. C’est une question d’habitude autant que de goût. Je ne « sens » pas les couleurs sur l’ordi, et je n’aime pas toujours leur rendu, sauf quand il s’agit d’aplats très simples, qui peuvent être élégants, mais qui ne collent pas trop à l’ambiance que je souhaite pour mes albums.
A partir de l’original encré, l’éditeur fait réaliser ce qu’on appelle des « gris » : des versions imprimées de chaque planche au format de parution de l’album, sur papier épais, avec le trait de dessin en gris (très sombre pour moi, merci, à cause du pouvoir couvrant élevé de l’acrylique que j’utilise, même diluée, qui masquerait un trait trop clair). L’éditeur me fournit aussi une copie de la planche au même format, imprimée en noir sur un film transparent. En venant poser ce film sur la mise en couleur, on peut se faire une idée du rendu final (potentiel) de la page d’album, une fois que le dessin est remis au premier plan, par dessus la couleur.
Il y a tellement à dire sur la couleur que j’y reviendrai une prochaine fois. Mais deux choses tout de même : avec la technique des gris, il faut bien penser à chaque fois à forcer les contrastes comme une brute pour ne pas se retrouver avec des couleurs fadasses à l’arrivée (cf. Vo’hounâ 1) et, de toutes façons, il faut perpétuellement avoir en tête l’idée que la lumière prime sur la teinte.


Je ne suis pas étonné que de nombreuses personnes, à commencer par ma compagne, préfèrent souvent le rendu de la planche mise en couleur sans le rajout du trait noir. Il est vrai qu’à ce stade, la planche possède une lumière et une subtilité qui sont très séduisantes. Cependant, le retour au premier plan de l’encrage permet de donner plus de force aux images et plus de lisibilité (ce n’est pas flagrant avec la planche 20, mais avec d’autres plus complexes, c’est sans appel).

Étape 6 : Le montage.
Une fois qu’elle a fait scanner en haute def l’encrage et la mise en couleur, la fine équipe de la Fabrication (Stéphane, Cécile, Adrien, salut à vous si vous lisez ces lignes…) fait imprimer des « cromalins », sortes de previews des pages imprimées, qui servent à étalonner les couleurs du fichier numérique par rapport à l’original. Notez qu’il y a des couleurs plus difficiles à retrouver que d’autres. Le bleu indigo des rochers de la dernière scène de l’album, par exemple, ou le ton ocre vert des parois de la caverne des planches 18-19 ont demandé plusieurs essais. Parallèlement à cela, je peaufine le placement du texte dans les bulles (ou la bulle pour la planche 20) sur photoshop, à l’aide d’une police de caractère que je me suis bricolée.
Une fois que tous les fichiers sont réunis (encrage, couleur, texte positionné) on envoie tout le bazar chez l’imprimeur avec les cromalins, qui serviront de base pour caler les couleurs lors de l’impression de l’album.


Le calage des couleurs, voilà une autre étape importante. Pour tout vous dire, je vais y participer pas plus tard que demain, chez Lesaffre en Belgique. Je vous raconterai !

8 commentaires:

Anonyme a dit…

Chouette boulot de couleur ! C'est sans commentaire : rien ne vaut la colorisation traditionnelle si on a le temps et la possibilité technique de la faire.

Anonyme a dit…

Holà ! Et le talent aussi, bien sûr ! ;)

Emmanuel a dit…

Hello Olier,
quant à ce qui est du temps, c'est relatif. J'ai fait quelques essais de couleurs sur ordi pour m'amuser qui m'ont pris des lustres, alors que la couleur tradi me prend juste une journée par planche (comme l'encrage et comme le crayonné, d'ailleurs...) En gros, c'est quand même vachement une question d'habitude.
Pour ce qui est de la possibilité technique, c'est autre chose, vu que bosser sur des gris, c'est plus compliqué et ça coute plus cher que de mettre en couleurs des planches sur photoshop. Alors parfois ça peut coincer chez les éditeurs ces temps-ci...

Anonyme a dit…

Oui, les éditeurs s'habituent vite à la facilité (et surtout au moindre coût) que présente la colorisation numérique... ;)

Anonyme a dit…

Bonjour,
Merci pour le pas-à-pas, je suis toujours curieux de voir comment les auteurs travaillent... Juste une question : pour le crayonné, le papier et le crayon ont une qualité spéciale (grammage etc.) ? J'ai toujours tendance à avoir un crayonné trop appuyé qui complique l'encrage ('faut beaucoup gommer etc.)...

Emmanuel a dit…

salut Jérôme,
le problème du crayonné trop appuyé est un problème persistant, et c'est pourquoi, à mon avis, il vaut mieux travailler avec légerté sur un papier qui peut supporter un peu de gommage, donc pas trop fin (entre 200 et 300 gr). perso, je préfère les mines assez grasses (B, 3B) et utiliser un crayon "tout mine" du type progresso, très gras (8B), pour frotter légèrement des grands aplats au crayon si besoin.

Jean-François MARTY a dit…

Salut Tonton, continue à développer des choses comme ça et Papa te fera faire de la formation? Ca sera bon pour toi ça...

Anonyme a dit…

Merci de nous faire partager ton travail. Pendant bien longtemps, on a cru que les auteurs de BD, qu'on qualifiait de "dessinateurs de petits Mickeys", n'avaient pour ainsi dire pas grand-chose d'intéressant à dire, et n'étaient pas des artistes "sérieux".
Eh bien, quand on voit comment tu t'y prends et avec quelle maestria, ils peuvent bien fermer leurs clapets, ceux qui pensaient cela ! c'est beau de voir un œuvre naitre; vivre et émouvoir tout le monde. Et quels paysages ! On se sent happé par l'image, on a envie d'y entter ! c'est magique !
Tinkiy ;-)